Schnersheim (67) - Une réhabilitation énergétique et une restauration patrimoniale exemplaire

Grand Est
Maison individuelle
Pan de bois (remplissage briques, torchis, pierre ou autres)
Bâtiment d’intérêt patrimonial hors secteur protégé

Cette maison en pan de bois est située à Schnersheim, dans le Bas-Rhin (67). Appartenant à la même famille depuis sa construction au XVIIIe siècle, elle a fait l’objet d’une amélioration énergétique au niveau basse consommation (BBC Rénovation) et d’une restauration patrimoniale qui lui a valu un label de la Fondation du Patrimoine.

Le bâtiment et son contexte

La maison se situe à 20 km de Strasbourg, dans une commune de 1000 habitants. Il s’agit d’un ancien corps de ferme d’environ 350 m², typique de la région du Kochersberg. 

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Figure 1 : La façade sur rue est orientée nord-est

La cave à vin date de 1717. La dendrochronologie (analyse des anneaux de croissance d’un échantillon de bois pour en déterminer l’année d’abattage) a révélé que les étages supérieurs provenaient d’une maison à colombages construite vers 1730, située à 15 km, qui a été démontée puis remontée sur la cave en 1783, probablement après un incendie. 

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Figure 2 : La maison présente trois dépendances distribuées autour d’une cour intérieure

La cave et deux murs du rez-de-chaussée donnant sur la rue sont en moellon de grès et de calcaire et le reste est constitué de pan de bois, rempli par de la brique de terre cuite (qui a été fabriquée sur place) ou du torchis. 

La maison a toujours été habitée, mais elle a subi des rénovations dans les années 70. 

Diagnostic avant travaux

Etat technique et sanitaire du bâtiment 

La maison était habitable mais en mauvais état. Certaines pathologies étaient déjà connues : 

  • tassement différentiel de 12 cm d’un mur de refend trop lourd (l’un des « Brandwand » de la cuisine, mur coupe-feu en pierre) ; 
  • sol et murs de la cave historique particulièrement humides, dû : 
    • à un terrain en pente ; 
    • à l’utilisation d’un enduit ciment recouvert d’une peinture plastique à l’extérieur ; 
    • à la présence d’un dallage en béton sur le sol de la cave. 

Plus de 50 % des têtes de solives du plancher du grenier, ainsi que certaines pièces de la charpente et du pan de bois se sont avérées vermoulues, suite à des fuites en toiture, remontant à la première moitié du XXe siècle. 

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Figure 3 : Réalisation de tenons et mortaises pour le pan de bois

Les sablières intermédiaires ont aussi dû être changées. Les sablières basses étaient intactes. 

État énergétique 

La maison ne présentait aucune isolation thermique. Elle était chauffée par une chaudière au fioul et au bois installée en 1973. Une cuve de 3000 L occupait une partie de la cave historique. 

Le réseau de distribution du chauffage central était complexe, non optimisé et présentait de la corrosion. 

État patrimonial et architectural 
Les éléments patrimoniaux remarquables 

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Figure 4 : Les documents d’époque ont permis au maître d’ouvrage de restaurer un certain nombre d’éléments

La maison constitue un témoignage vivant de l’histoire des maisons alsaciennes de cette époque : 

  • Le torchis, vieux de presque 300 ans, est en bon état et les traces des doigts qui l’avaient façonné sont encore visibles. 

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Figure 5 : Décroûtage des murs en pan de bois

  • Certaines poutres présentent encore les trous ayant servi à leur transport par flottage depuis la Forêt Noire en Allemagne. 

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Figure 6 : Grenier sur 3 niveaux qui servait à stocker les sacs de blé et à faire sécher le tabac (source : CREBA)

  • Un plafond peint en mauvais état datant du début de XVIIIe siècle, a été retrouvé au grenier. Il était initialement situé dans le logement. 

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Figure 7 : Plafond peint dans l’entrée de la maison (source : CREBA)

  • Une « Stub », salon d’apparat recouvert de boiseries, datée des années 1780, était toujours présente en 2007. 

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Figure 8 : Vu d’une partie neuve de la « Stub » (source : CREBA)

Les éléments patrimoniaux malmenés 

D’autres éléments ont subi des rénovations malheureuses ou les dommages du temps : 

  • La cave à vin historique était occupée par l’ancienne chaufferie. 
  • La maison disposait toujours de tuiles de type « Biberschwanz » (queue de castor), typique de la région. Mais certaines étaient fissurées. Plusieurs lanterneaux et chatières modernes avaient été mis en place. 
  • Les menuiseries en bois, datant presque toutes de la seconde moitié du XXe siècle, ne présentaient pas d’uniformité. Certaines fenêtres sont restées murées jusqu’à très récemment, vestiges des années 1780 où une taxe sur le nombre de fenêtres a été instaurée. 

Projet de réhabilitation

Programme architectural et énergétique 
Cahier des charges du maître d’ouvrage 

Le maître d’ouvrage souhaitait restaurer cette maison du point de vue patrimonial et la rénover thermiquement. L’ambition était notamment d’atteindre le niveau BBC Effinergie Rénovation. 

L’enjeu était également de montrer que, dans cette région où la pression foncière est particulièrement forte (du fait de la proximité de Strasbourg), on peut tout à fait restaurer une vieille maison (plutôt que la détruire, voire en construire une en périphérie) pour y vivre avec tout le confort moderne. Le chantier s’est ainsi transformé en un laboratoire des techniques adaptées à la réhabilitation des maisons à colombages et a fait l’objet de nombreuses visites, notamment organisée par l’Association pour la Sauvegarde de la Maison Alsacienne (ASMA). 

Les savoir-faire régionaux ont été mis en avant (tuilier, artisan-poêlier, menuisier, charpentier, ébéniste, etc.) et des matériaux locaux utilisés : la chaux et les pigments naturels colorant les enduits proviennent par exemple du dernier chaufournier d’Alsace ; les pellets, de la vallée de la Bruche. 

Acteurs du projet 

Le maître d’ouvrage possède de solides connaissances en bâtiment, en tant qu’ingénieur de la construction. Il connaît aussi très bien l’histoire et l’architecture alsacienne et fait partie du comité de direction de l’ASMA. Ce qui ne l’a pas empêché de faire appel à des professionnels pour mener à bien son chantier, notamment un architecte du patrimoine pour les travaux extérieurs et un maître d’œuvre spécialisé dans les matériaux naturels (dont le chaux-chanvre) pour les travaux intérieurs et les équipements. Au final, une quarantaine de professionnels est intervenue. 

L’architecte des bâtiments de France (ABF) a également été sollicité, du fait de la demande du label de la Fondation du patrimoine. 

Projet et études réalisés 

Pour les besoins du programme « Je rénove BBC », une étude thermique avec un logiciel de calcul réglementaire RT a été réalisée. Bien que les bâtiments construits avant 1948 ne sont pas correctement modélisés par ces logiciels, un tel calcul permet de déterminer la consommation énergétique conventionnelle avant et après travaux et donc d’évaluer le gain énergétique. L’étude thermique affiche une consommation de 352 kWhEP/m²/an avant travaux. 

Un calcul de point de rosée a été effectué. Il a permis de montrer que, dans ce cas particulier, le béton de chanvre n’était pas adapté à l’isolation du plancher haut. 

Une étude structurelle a également été réalisée afin de trouver la cause du tassement différentiel et d’y remédier. 

Synthèse 

Il s’agit là :  

  • d’un projet de réhabilitation plutôt lourde ;
  • réalisé par un maître d’ouvrage très impliqué et des professionnels qui ont l’habitude du bâti ancien ;
  • qui intègre une démarche globale de réhabilitation énergétique ;
  • mais qui s’inscrit également dans une démarche de restauration patrimoniale ;
  • qui privilégie l’utilisation des matériaux biosourcés et des meilleures techniques disponibles ;
  • où l’enjeu patrimonial se situe à la fois à l’extérieur et à l’intérieur. 

Travaux

Le chantier a duré de 2010 à 2015. 

Aménagement des abords 

Afin de diminuer la pression de l’eau sur le pignon nord-est, le maître d’ouvrage a fait creuser un petit caniveau à la jonction entre le jardinet et ce dernier. 

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Figure 9 : Petit caniveau à la jonction entre le jardinet et le pignon nord-ouest (source : CREBA)

Structure 

Quelques pans de bois ou pièces de charpente, qui avaient été sciés par commodité (pour placer une fenêtre par exemple) ont été rétablis. 

De nombreuses pièces de bois ont dû être réparées par le charpentier, surtout au niveau de la toiture. 

Le « Brandwand », à l’origine du tassement différentiel, a été remplacé par un mur en pan de bois rempli de béton de chanvre et une poutre de soutènement. Sous les piliers de la cave soutenant l’ancien « Brandwand », des semelles en béton ont été coulées. La structure a ainsi été allégée d’environ 7 tonnes, mais la décision a été prise de ne pas la redresser. Sous le plancher du rez-de-chaussée, l’épaisseur de béton de chanvre est donc variable afin de retrouver l’horizontalité. 

Certains murs de la cave, qui constituent les fondations de la maison, se sont avérés en partie creux. Un coulis de chaux a donc été injecté dans les murs afin de consolider l’ensemble. 

Humidité 

A l’extérieur, la peinture plastique et l’enduit au ciment ont été piqués. A l’intérieur, les murs recouverts de nombreuses couches de papier peint et de peintures ont été décroûtés. 

 

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Figure 10 : Partie basse : la peinture plastique et l’enduit au ciment ont été piqués. Partie haute : trois lucarnes ont été créés et de nouvelles tuiles « Biberschwanz » sont venues compléter les anciennes. Des points clairs apparaissent régulièrement à gauche : il s’agit de chatières plates en cuivre.

Le dallage en béton de la cave historique a été démoli. Un hérisson de sable et de cailloux a été réalisé afin d’assurer un drainage. Le sol de la cave historique est désormais recouvert de carreaux de terre cuite datant du XVIIIe siècle, hourdés à la chaux. 

Les entrevous du plafond de la cave, recouvert à l’origine d’une terre argileuse n’ayant pas une perméabilité à la vapeur d’eau suffisante, n’ont pas supporté l’humidité de la cave et ont dû être remplacés. 

Murs 

Les murs ont été isolés par 12 à 18 cm de béton de chanvre. A l’extérieur, ils ont été enduits à la chaux et à l’intérieur, à la chaux (au rez-de-chaussée) ou à la terre (au premier étage). Les enduits intérieurs ont été colorés avec des pigments naturels. Leur coefficient de transmission thermique (U) varie de 0,39 à 0,55 W/m².K. Ces valeurs sont assez élevées mais s’expliquent par le fait que le béton de chanvre n’est pas aussi isolant qu’un isolant conventionnel (λ = 0,04 W/m.K contre λ = 0,1 W/m.K pour le béton de chanvre). Pour arriver au niveau BBC Effinergie Rénovation, il a donc été nécessaire de compenser sur les autres postes de déperditions thermiques (forte isolation des planchers hauts par exemple). 

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Figure 11 : Projection du béton de chanvre après protection des fenêtres et passage des gaines des canalisations et du réseau électrique

Aucun carrelage ni aucun papier peint n’ont été posés sur le béton de chanvre, afin de maintenir la perméabilité à la vapeur d’eau de l’ensemble. Dans les salles de bains, le tadelakt (enduit de chaux imperméable à l’eau liquide mais perméable à la vapeur d’eau) a été privilégié et quand du carrelage a été posé, il l’a été sur une plaque de polystyrène rigide, séparée du mur par une lame d’air.  

Les décors du plafond peint retrouvé dans le grenier ont été restitués sur le plafond de la cage d’escalier et sur celui de l’entrée par une artiste-peintre spécialisée. 

Le projet ne respecte strictement pas les performances exigées par le programme « Je rénove BBC » élément par élément : il a donc dû justifier de l’obtention du niveau BBC Effinergie Rénovation par une simulation réglementaire. 

  Performance exigée par le programme « Je rénove BBC » Performance du projet
Murs extérieurs en W/m².K 0,28 0,39 à 0,55
Dalle supérieure en W/m².K 0,13 0,16 à 0,19
Dalle inférieure en W/m².K 0,38 0,4 et 0,45
Fenêtres en W/m².K 1,1 1,3 et 2,1
Portes en W/m².K 1 1,8
Q4Pa, surf en m³/h/m² 0,8 1,2
Plancher haut 

La toiture a été restaurée avec des tuiles « Biberschanz » de récupération, après pose d’un pare-pluie sur la charpente. 

Les lanterneaux ont été supprimés. Sur la façade sur rue, orientée nord-est et donc moins exposée à la pluie, trois lucarnes ont été créées. 

Les chatières modernes en forme de demi-sphère ont été remplacés par des chatières plates en cuivre. 

Après avoir posé une membrane d’étanchéité à l’air (mais perméable à la vapeur d’eau) sur les solives, le plancher du grenier a été isolé par environ 9 cm des granulés de liège et par deux couches croisées de panneaux de laine de bois, de 10 cm au total, soit un coefficient de transmission thermique (U) de 0,19 W/m².K. 

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Figure 12 : Schéma de principe de la jonction entre les murs et le plancher haut (source : CREBA)

Le haut de la cage d’escalier est isolé par 20 cm de granulés de liège et 4 cm de laine de bois, soit un coefficient de transmission thermique (U) de 0,16 W/m².K. 

Plancher bas 

Le plancher séparant la cave du rez-de-chaussée a été isolé par 13 cm de béton de chanvre, ce qui correspond à un U de 0,4 W/m².K. 

Le plancher séparant la nouvelle chaufferie, construite sous les fondations de la maison, du rez-de-chaussée a été créée en même temps que cette dernière : il est donc constitué d’une dalle en béton armé de 23 cm et d’une chape isolante de 15 cm composée de chaux et de billes d’argile. Son U est de 0,45 W/m².K. 

Menuiseries 

La maison compte plus d’une soixantaine de menuiseries. 

Plusieurs dizaines fenêtres en chêne à croisées (et cintrées pour la plupart d’entre elles) ont été fabriquées sur mesure, tout en y intégrant un double vitrage de seulement 16,5 mm. Refusé une première fois par l’ABF car il aurait impliqué des montants trop épais, il a finalement été accepté grâce au travail de réduction des sections du menuisier. 

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Figure 13 : Les quatre vantaux s’ouvrent indépendamment (source : CREBA)

Ces fenêtres présentent un Uw de 2,14 W/m².K, ce qui est une performance faible par rapport aux doubles vitrages installés dans la cave, le grenier et la loggia (Uw = 1,3 W/m².K). 

En effet, le mur de la loggia, vidé de ses briques et de son torchis, est maintenant vitré et permet d’apporter davantage de la lumière naturelle au premier étage. 

Les portes ont été remplacés par des éléments au style traditionnel. Les volets sont encore d’origine. 

Aménagement intérieur 

Le plan initial du logement n’a été que peu modifié : l’escalier, que l’on trouve habituellement dans les maisons alsaciennes à gauche de l’entrée, était en mauvais état et trop raide. Il a donc été reconstruit au milieu de la maison et s’étend sur trois niveaux de la maison. Ce nouvel emplacement a également permis de libérer une partie du mur de la loggia, désormais vitrée. 

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Figure 14 : Vue de l’escalier et du plafond peint de la cage d’escalier (source : CREBA)

Plusieurs meubles et certaines boiseries ont été réalisées à partir de bois aussi bien neufs qu’anciens (portes d’armoires ou planches et pans de bois récupérés par le maître d’ouvrage). Le style respecte toujours celui du XVIIIe siècle, époque de construction de la maison. 

Chauffage et eau chaude sanitaire (ECS) 

Une chaudière à pellets de 25 kW et d’un rendement de 95 %, qui assure la production de chauffage et d’ECS (ballons de 300 et de 800 L respectivement), et un silo en bois de 15 m³, totalement indépendant des parois, ont été installés dans la nouvelle chaufferie. La technique de la vis sans fin, habituellement utilisée pour convoyer les pellets vers la chaudière, a été remplacée au profit d’un système par aspiration, car elle peut être à l’origine d’un départ de feu. La prise de température extérieure, invisible, est faite à l’ombre d’un auvent sur le pignon nord. 

A l’origine, une pompe à chaleur (PAC) géothermique avait été envisagée. Mais le coût nécessaire au forage de 4 à 5 puits géothermiques et les difficultés techniques ont dissuadé le propriétaire. 

L’émission est assurée par des plinthes chauffantes à basse température dans lesquelles passe de l’eau chaude. Elles ont l’avantage de s’intégrer plus facilement dans le décor que des radiateurs en fonte et procure un meilleur confort. 

Un « Kachelofe » (poêle de masse en faïence) a été réalisé sur-mesure. Il fait office de chauffage d’appoint. Habituellement alimenté en air frais (au travers de sa porte) par les nombreuses fuites d’air que présentent une maison alsacienne non réhabilitée, le « Kachelofe » a dû s’adapter à l’étanchéité à l’air de cette maison rénovée au niveau BBC Effinergie Rénovation, pour éviter tout risque de refoulement des fumées. Il a donc fallu rendre le poêle étanche (porte étanche d’usine) et gérer l’apport d’air frais par une arrivée d’air indépendante. A noter que ce risque de refoulement concerne tous les systèmes de chauffage non étanches (comme une cheminée à foyer ouvert par exemple) et pas seulement le « Kachelofe ». 

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Figure 15 : Exemple de « Kachelofe » (source : poeledetradition.com)

Les conduits de cheminée et les cheminées ont été redistribués en un conduit unique, qui évacue dans deux boisseaux séparés les fumées du « Kachelofe » et celles de la chaudière. 

Ventilation 

La maison dispose d’une VMC double flux au rez-de-chaussée et d'une VMC simple flux à l’étage.  

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Figure 16 : Le plus à gauche : sortie de la VMC double flux. Derrière le volet : entrée de la VMC double flux. Au milieu : loggia vitrée (source : CREBA)

La VMC double flux est associée à des gaines semi-rigides et lisses, dont l’intérêt est d’être nettoyables. Un contrat d’entretien a été souscrit par le maître d’ouvrage avec le fabricant : les gaines seront donc nettoyées tous les 4 ans et les filtres changés tous les 6 mois. Les gaines passent dans les planchers, les murs et parfois les meubles, tout comme les bouches de soufflage et de reprise (et les câbles électriques), placées de part et d’autre des pièces afin d’assurer un balayage suffisant. Ces dernières ont été réalisées sur mesure pour se fondre dans le décor. 

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Figure 17 : Bouche de reprise de la VMC double flux (source : CREBA)

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Figure 18 : Bouche de soufflage de la VMC double flux (source : CREBA)

L’échangeur se situe dans la nouvelle chaufferie, qui ne fait pas partie du volume chauffé mais dont la température ne descend pas en-dessous de 20 °C en hiver. 

L’entrée et la sortie d’air du système ont été astucieusement cachées derrière un volet et sous un nouvel escalier en grès. 

Deux extracteurs de VMC simple flux hygro B ont été installés dans les salles de bains à l’étage. Une extraction unique débouche en façade, sur le mur pignon sud, caché sous l’un des auvents. Aucune entrée d’air n’a été installée, afin d’éviter le problème de l’intégration architecturale des réglettes d’aération sur les fenêtres. 

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Figure 19 : Sortie des VMC simple flux de l’étage (source : CREBA)

L’absence d’entrée d’air n’est pas réglementaire. Ce type d’installation doit être suivi afin de vérifier que le débit d’air entrant est suffisant, sans quoi le balayage de l’étage par de l’air neuf ne sera pas efficace. 

La cave historique est naturellement ventilée en été puisque les soupiraux (munis de double vitrage) restent ouverts. En hiver, une entrée d’air et une extraction mécanique commandée par un interrupteur prennent le relais. Le même principe est appliqué dans la nouvelle chaufferie. 

Problématiques transversales 
Ponts thermiques 

Le béton de chanvre présente plusieurs avantages : 

  • L’enduit de finition qu’il nécessite lui assure une bonne étanchéité à l’air. 
  • Il bénéficie d’une bonne conductivité thermique, même si elle n’est pas équivalente à celle d’un isolant. 
  • Il présente une certaine perméabilité à la vapeur d’eau et n’empêche donc pas les échanges du mur avec l’extérieur.
  • Il n’est pas apprécié des souris. 

De plus, pour éviter les ponts thermiques dus aux planchers intermédiaires, le béton de chanvre a été projeté après dépose de ces derniers. 

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Figure 20 : Le plancher du premier étage a été déposé pour permettre une projection continue du béton de chanvre entre les étages.

Gestion du renouvellement d’air 

Afin de bien séparer le volume chauffé du volume non chauffé, la cage d’escalier est séparée de la cave et du grenier par des baies vitrées à la cave et une structure en briques de chanvre isolé par de la laine de bois au grenier. 

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Figure 21 : Baies vitrées séparant la cage d’escalier de la cave (source : CREBA)

Pour les maisons à colombages, le programme « Je rénove BBC » exige l’obtention d’un indice d’étanchéité à l’air (le Q4Pa, surf) de 1,2 m³/(h.m²). Rappelons que pour une maison neuve, la réglementation thermique (RT) exige une valeur de 0,6 m³/(h.m²). Pour une maison rénovée, la réglementation thermique n’exige à l’heure actuelle aucune valeur, ce qui fait du programme « Je rénove BBC » un programme ambitieux et précurseur. La maison a obtenu une valeur de 1,17 m³/(h.m²). Les fuites les plus importantes se situaient systématiquement au niveau des traversées : 

  • de solives, et ce, malgré l’utilisation de scotchs permettant habituellement d’assurer l’étanchéité à l’air ;
  • des réseaux fluides dans le dalle en béton entre la nouvelle chaufferie et le rez-de-chaussée. 

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Figure 22 : Traversées de solives et fuites d’air (source : rapport du test d’étanchéité à l’air)

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Figure 23 : En jaune : volume chauffé (source : étude thermique)

Bilan de la réhabilitation

Consommations et confort thermique après travaux 
En théorie 

La maison atteint le niveau BBC qui, en Alsace, est de 104 kWhEP/m²/an. Elle a obtenu le label Effinergie Rénovation en 2017.  

Rappelons que le label BBC Effinergie Rénovation concerne les bâtiments construits après 1948 et le label Effinergie Rénovation ceux construits avant 1948. Les exigences de ces deux labels sont cependant identiques. 

En pratique 

Par un jour de canicule (36 °C à l’extérieur) avec toutes les fenêtres et les volets côté soleil fermés, la température intérieure était de 25 °C à 12 h. 

Le maître d’ouvrage estime sa consommation de pellets à 9 t de pellets. En hiver, les 350 m², même s’ils ne sont pas tous habités, sont chauffés. Les thermostats de toutes les pièces sont fixés à 19 °C et à 20°C pour les salles de bains. 

En considérant que 1 kg de pellets permet de produire 4,5 kWh (source : cndb.org), la consommation énergétique pour le chauffage et la production d’ECS de cette maison s’élèvent à 102 kWhEP/m².an. 

Aucune pathologie n’a été repérée en 2017. 

Reconnaissances obtenues 

La maison a fait l’objet de nombreux articles et reportages en Alsace. 

Sa restauration a obtenu le label « Fondation du patrimoine » en juillet 2016, qui concerne les travaux extérieurs et le 2e prix du concours « Architecture & Patrimoine » MPF René Fontaine 2016. 

Bilan financier 

Le maître d’ouvrage s’est donné les moyens de restaurer patrimonialement et de rénover énergétiquement sa maison. 

Ainsi, la rénovation énergétique aura coûté plus de 150 000 € H.T. (fourniture et main d’œuvre), soit environ 440 € /m², ce qui correspond à la moyenne haute du coût moyen observé* pour le programme « Je rénove BBC ». Les menuiseries, réalisées sur mesure, n’ont pas été intégrées dans ces coûts. 

A cela s’ajoutent un contrat d’entretien pour la VMC double flux, qui s’élève à 280 € H.T. par an et un autre pour la chaudière à pellets (216 € H.T. par an). 

Notons que près de 50 % du coût total de la rénovation énergétique est dû au système de chauffage (production, distribution, émission et régulation). L’isolation des murs ne représente, quant à elle, que 17 %. 

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Figure 24 : Répartition des coûts de la rénovation énergétique (source : CREBA)

Une subvention de 10 000 € a été accordée par le programme « Je rénove BBC » destinée à couvrir une part des travaux d’isolation thermique. Le test d’étanchéité à l’air et le passage d’un bureau de contrôle a également été entièrement pris en charge par le programme. 

La Fondation du patrimoine a, quant à elle, financé 1 % des travaux extérieurs (fenêtres, enduits, toiture, charpente et travaux structurels) et a permis au maître d’ouvrage de bénéficier d’une réduction d’impôt équivalente à un quart du montant total des travaux extérieurs.

 

* Enseignements opérationnels des programmes « Je rénove BBC » en Alsace ; Fascicule B : la performance de l’enveloppe, Cerema, 2017 

Difficultés rencontrées 

« La citation de Mark Twain « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait » pourrait s’appliquer à ce projet, car les écueils et les difficultés n’ont pas manqué ! » 

Bien que la restauration de cette maison soit une belle réussite, elle a été semée d’embûches : 

  • En 2010, le premier architecte qui a travaillé sur le projet a affirmé au maître d’ouvrage qu’il n’était pas possible d’isoler une maison en chaux-chanvre. 
  • En 2011, l’ABF a déclaré qu’il était impossible qu’une maison à colombages du XVIIIe siècle atteigne le niveau BBC Effinergie Rénovation. 
  • La construction d’une nouvelle chaufferie bois sous les fondations de la maison (afin de préserver la cave à vin historique) a été qualifiée d’impossible par certains. 
  • L’intégration de la VMC double flux a posé de nombreux problèmes. 
  • Le maître d’ouvrage a dû faire face à l’incompréhension de son entourage lorsque l’enduit au ciment, pourtant en parfait état, a été piqueté pour être remplacé par un enduit à la chaux. Les enduits intérieurs à la terre n’ont pas fait l’unanimité non plus!
Maîtrise d’ouvrage :  Malou et Denis Elbel
Maîtrise d’œuvre : Claude Eichwald (architecte du patrimoine : Jean-Christophe Brua)
Consommation énergétique :
 

  Avant travaux : 352 kWh/m²/an

  Après travaux : 94 kWh/m²/an

  Consommation énergétique conventionnelle en énergie primaire pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire (ECS), le refroidissement, la ventilation et l’éclairage, calculée à partir d’un logiciel réglementaire pour la réglementation thermique (RT) des bâtiments existants.

Rédacteur de la fiche : Elodie Héberlé (Cerema Est)
Crédits photos : Denis Elbel (sauf mention contraire)
© 2018 CREBA 
Pour plus d'informations : contact@rehabilitation-bati-ancien.fr

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Schnersheim (67) - Une réhabilitation énergétique et une restauration patrimoniale exemplaire

pour en savoir plus

Cette fiche a été réalisée dans le cadre du projet CREBA – Centre de REssources pour la réhabilitation responsable du Bâti Ancien, soutenu par le Programme ministériel d’Action pour la qualité de la Construction et la Transition Energétique (PACTE). Il est piloté par le Cerema aux côtés de 4 partenaires : l’école des Arts et Métiers Paris Tech, le Laboratoire de Recherche en Architecture de l’ENSA de Toulouse, les associations nationales Maisons Paysannes de France et Sites et Cités Remarquables de France.